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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 17:56

La chronique musicale d'Emmanuel Humbert

 

Emile Verhaeren, poète que l’on a détesté en classe primaire avant de l’adorer quand, adulte, on redécouvrait son talent, Emile Verhaeren donc décrivait le travail avec une sensualité gourmande : « Les servantes faisaient le pain pour les dimanches. Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain. Le front courbé, le coude en pointe hors des manches, la sueur les mouillant et coulant au pétrin. Leurs mains, leurs doigts, leur corps entier fumait de hâte, leur gorge remuait dans les corsages pleins. Leurs deux doigts monstrueux pataugeaient dans la pâte, et la moulaient en ronds comme la chair des seins ».

 

Aujourd’hui, il faudrait la plume d’un Emile Verhaeren pour décrire le talent de Tété. Loin des poses « bobo » de certains, pourtant encensés par une critique parisiano-parisienne prompte à l’enthousiasme et toujours orpheline du talent d’un Gainsbourg qu’elle a mis des lustres à reconnaître, cet artisan musicien poursuit son chemin singulier qui L’Air de rien l’a conduit Par monts et vallons jusqu’à ce Premier clair de l’aube

 

Comme ce pain des dimanches cher à Verhaeren, Tété se déguste. Son style musical est celui d’un orfèvre dans lequel la musique – folk et rythmée, métissée de blues du bayou et de rock californien, épicée d’une discrète touche de mbalax sénégalais suivant les titres – ne prend pas le pas sur des textes où le mot sonne toujours juste, où plus que la rime, c’est le sens qui est riche.

 

Tété s’apprécie donc. Surtout, après une première découverte, il donne l’irrépressible envie d’une nouvelle écoute égoïste lové dans un fauteuil club ou, au contraire, clarck’s au pied et I-Pod en tête, en marchant nez au vent sous des mirabelliers en fleurs par une belle matinée qui fume d’un soleil printanier. Car d’une plage à l’autre ce disque vous entraine dans un spleen confortable (Le premier clair de l’aube) ou vous invite à un blues joyeux digne des Holmes Brothers (Maudit Blues ou Doux Mojo).

 

Il y a les choix que Tété fait, à rebours du confort d’une profession moutonnière qui, une fois le « style » trouvé, ne s’en départit plus, quitte à répéter les mêmes disques jusqu’à l’écœurement du fan le plus intégriste. Tété, lui, ose plus de disque en disque, enrichit son style, invite de nouveaux instruments, électrifie ses partitions… Bref, surprend et séduit ses auditeurs et comme son patronyme le signifie en wolof sénégalais : nous prend sous son aile, nous ouvre le chemin comme on le fait aux enfants pour nous faire découvrir son monde.

 

Ce n’est pas rien et, par ces temps de productions discographiques formatées et « ciblées », c’est bien là le plus important.

 

 

Tété : Le premier clair de l'aube (JivEpic - Sony Music) 

 

Tété sera en concert le mercredi 12 mai à L'Autre Canal à Nancy et le jeudi 13 mai au Casino de Mondorf-les-Bains. 

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commentaires

T
<br /> Pas mal la chronique.<br /> Vivement les photos !<br /> <br /> <br />
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