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12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 18:12

Picaresque, joyeux, « Malarrosa » part à la rencontre de personnages fracassés dans le désert chilien des années trente. Eblouissant.

 

Une chronique de Frédérique  Bréhaut.

 

A HernanVoici un roman à dévorer toutes affaires cessantes si vous aimez le grain de folie de la littérature sud-américaine et l’atmosphère des westerns crépusculaires arrosés au pisco.

 

Dans le décor chauffé à blanc du désert de l’Atacama, la lumière crue marque les contours nets de personnages hors du commun. Au premier plan, Saladino Roblès, flambeur pitoyable poursuivi par la guigne, hante les tables de poker toujours flanqué de Malarrosa, sa fillette silencieuse. Non loin, Oliverio Trébol, dit Tristesburnes, gros bras au cœur tendre, amoureux de Morgana-Morgano, la « fleur bleue du désert », traîne sa grande carcasse flegmatique. Autour d’eux, le petit peuple de Yungay, « village sans foi ni loi » rêve d’avenirs meilleurs loin des mines de salpêtre qui ferment les unes après les autres.

 

Des destins miraculeux

 

Même les putes au grand cœur des deux bordels rivaux, « Le Perroquet vert » et « Le Poncho déchiré » savent qu’il ne reste rien à attendre de ce mirage surgi dans la partie la plus ingrate de l’Atacama. Seule Malarrosa, petite luciole accrochée au costume élimé de son crétin de père, semble apte à s’évader d’un désert semblable à l’antichambre de l’enfer. Avec son assurance tranquille, la gamine vêtue d’une salopette de garçon agit sur la destinée de ceux qui l’approchent.

 

Hernan Rivera Letelier a le don de faire chanter les pierres du désert. Des ombres (rares) de ce coin du monde crucifié par la chaleur, surgissent des souvenirs de révoltes ouvrières matées dans le  sang, des nuées d’oiseaux multicolores, un croque-mort armé d’un mètre-ruban, une vieille institutrice tenace et même le ténor Caruso, l’instant d’un air d’opéra. Autant de guirlandes colorées suspendues à des destins miraculeux qui lancent leurs dernières étincelles dans un désert indifférent.

Là, entre tripots et rings improvisés, un univers se dissout avec la suppression des mines de nitrate. Dans ce décor hallucinant, l’écrivain chilien bâtit un irrésistible roman peuplé de personnages inoubliables qui rêvent de voir la mer…

 

« Malarrosa » de Hernan Rivera Letelier. Traduit de l’espagnol par Bertille Hausberg. Métailié. 200 pages. 18 €.

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