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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 15:06

Narquois désenchanté, Jean-Paul Dubois revient « Le cas Sneijder », avec un roman réjouissant.

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut


Dubois-3--c--Lee-Dongsub.JPG Les fidèles de Dubois retrouvent des indices semés comme des cailloux à travers son œuvre.

Photo Lee Dongsub.


Jusqu’à quel point peut-on s’accommoder de petits arrangements avec ses renoncements ?

 

A 60 ans, Paul a survécu à un accident d’ascenseur dont la chute vertigineuse a tué les autres occupants. Parmi eux, sa fille Marie tant aimée, qu’il rencontrait à la sauvette depuis son remariage. Frappée d’oukase par Anna, la seconde épouse, Marie était tenue à distance du nouveau foyer paternel sans que jamais Paul n’ose braver l’interdit.

 

Auprès d’Anna, spécialiste des commandes vocales chez Bell, psychorigide casse-bonbons qui lui a donné "les univitellins", jumeaux ennuyeux, Paul a accumulé les frustrations et les années perdues.

 

Des révoltes sans fracas

 

Alors, sorti de l’hôpital, il se réfugie dans son bureau. L’urne funéraire de Marie à portée de regard, il se plonge dans la lecture de traités sur les ascenseurs, « ce miracle mécanique qui a un jour permis aux villes de se redresser sur leurs pattes arrières et de se tenir debout ».

 

Sans désemparer, il potasse ses brochures et en arrive à la conclusion que l’ascenseur symbolise le monde. Ne nous laissent-ils pas l’illusion de commander leurs boutons alors que chaque mouvement est déjà préenregistré ?

 

Comble de la déchéance sociale aux yeux de sa femme, Paul promène les chiens pour le compte d’un Chypriote obsédé par les nombres. Tout est bon pour échapper au foyer si peu conjugal et plus encore, pour reconquérir l’estime de soi.

 

Entre ses chiens, ses rencontres avec un avocat passionné de jardins japonais et la protection posthume de Marie, il reste étanche aux aigreurs et même à l’infidélité de son épouse, ce qui vaut de croustillantes considérations sur la présence de poulet rôti deux fois par semaine à la table du couple ranci.

 

On prend un plaisir infini à retrouver cette façon de raconter le monde en biais, cette feinte légèreté qui adoucit la férocité du regard. Lucides, les personnages de Jean-Paul Dubois se révoltent sans fracas.

 

Et puisque « les marges de nos vies sont trop étroites pour contenir la somme de nos rêves et le miroir de nos intuitions », puisque la vie est un désastre, autant en rire parfois.

 

« Le cas Sneijder » de Jean-Paul Dubois. L’Olivier. 220 pages. 18 €.

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