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1 décembre 2013 7 01 /12 /décembre /2013 17:53

Tandis que l'Académie Goncourt vient de couronner « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaitre, paraît en poche chez Babel le prix Goncourt 2012, « Le sermon sur la chute de Rome », de Jérôme Ferrari.

 

Par Frédérique Bréhaut.


Le-sermon.jpg.gif« Pour qu'un monde nouveau surgisse, il faut d'abord que meure un monde ancien. Et nous savons aussi que l'intervalle qui les sépare peut être infiniment court ».

 

Jérôme Ferrari est un guetteur de royaumes au bord de la chute quand les mécanismes du déclin se mettent en marche jusqu'à l'anéantissement.

 

L'empire de Matthieu et de Libero est minuscule. Il tient entre les murs du bistrot d'un village corse paumé. Liés comme les deux doigts de la main, tous deux viennent de plaquer leurs études de philosophie à Paris pour prendre la gérance d'un bar au nom d'un retour vers l'authentique.

 

Secrète rancœur

 

Jadis, Marcel, le grand-père corse de Matthieu, avait mis tous ses rêves dans la distance qui l'éloignerait de son île.

 

Ses espoirs se sont effondrés avec la fin des empires coloniaux, l'histoire s'est écrite sans lui et il en garde une secrète rancœur. Peut-être est-ce pour cela qu'il soutient son petit-fils avec la joie mauvaise de ceux qui se vengent de leurs échecs sur d'autres. Ce taiseux sait que Matthieu se brûlera les ailes dans une aventure sans envergure, avatar d'une lignée corse qui s'émiette.

 

Marcel a vu juste. Le bistrot, réceptacle médiocre d'un monde miniature, sombre à l'arrivée des armes à feu et des filles faciles. Autour du comptoir, les idéaux des apprentis philosophes ne résistent pas à l'émeri de l'ordinaire. Il y a quelque chose de pathétique dans leur aveuglement, dans ce choix d'une vie sans éclat ni intérêt dont on devine qu'elle avance vers une tragédie.

 

Fins irrémédiables

 

Empire contre empire, le texte habité par la présence fugace de Saint Augustin avec son sermon sur la chute de Rome, emporte vers les courses à l'abîme et les fins irrémédiables. 

 

Réflexion sur la place de chacun, sur la quête du « meilleur monde possible », le roman est porté par une phrase au pouvoir magnétique. Le souffle admirablement maîtrisé donne toute sa force à la violence parfois ironique de cette chronique du déclin adoucie par une profonde humanité.

 

Un si bon roman ne méritait pas couverture aussi laide dans sa version poche.

 

« Le sermon sur la chute de Rome » de Jérôme Ferrari. Babel. 

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