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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 09:41

« La petite collection » publiée aux éditions du Sonneur, proposent des textes courts et anciens. Elle a été lancée par Valérie Millet « pour que puissent exister des textes trop courts pour être publiés dans un grand format, mais trop grands pour ne pas être édités ». Retour sur les trois premiers titres, signés London, Wharton et Amicis.

 

Par Olivier Quelier

 

Jack London : du pain et de la viande

 

London-QuiconqueAventurier, marin et chercheur d’or, Jack London était aussi un polémiste de talent, comme le prouve ce texte de 1902 publié dans « The critic magazine ». « Quiconque nourrit un homme est son maître » jette un regard critique sur la condition de l’écrivain et, au-delà, sur un monde mené par l’argent. Les journalistes constateront avec amertume qu’au début du XXe siècle déjà, « le rédacteur en chef est dominé par le directeur commercial qui garde les yeux rivés sur le tirage » puisqu’un gros tirage « apporte la publicité qui fait rentrer l’argent ».

 

Le rédacteur en chef ne fait pas « commerce d’immortalité ». Peu lui importe les textes ou les nouvelles qui s’inscriront dans la durée : « Le plus grand nombre réclame de la littérature immédiate », se moquant de « l’estimation à long terme ». Ce public est prêt à payer quelques cents pour acheter le magazine et, donc, nourrir l’écrivain… Or, « quiconque nourrit un homme est son maître ». Tout le paradoxe de l’homme de plume réside dans ce dilemme : l’ambition face à la nécessité ; l’immortalité ou du pain et de la viande : « Le monde s’oppose étrangement et implacablement à ce qu’il échange la joie de son cœur contre le réconfort de son estomac ».

 

Lecture et bicyclette

 

Wharton-copie-1.jpgLe texte d’Edith Wharton, « Le vice de la lecture » a paru en 1903 dans la North American Review. La romancière y dénonce l’obligation sociale de la lecture, érigée en vertu, alors que « plus on confère à l’acte du mérite, plus il en devient stérile ». Wharton est très claire : « Se forcer à lire – « lire par volonté » en quelque sorte – n’est pas plus lire que l’érudition n’est la culture ». Un brin condescendante, elle ne blâme pas ceux qu’elle appelle les « lecteurs mécaniques » qui se cantonnent à la « fiction futile » ; en revanche, ces derniers deviennent dangereux quand ils se lancent dans « des relations bien plus épuisantes avec la littérature ».

 

Dussent-ils en souffrir, eux qui ne doutent jamais de leur compétence intellectuelle, les lecteurs mécaniques nuisent avant tout à l’écrivain, qu’ils invitent avec une trop grande facilité au Palais des Platitudes. Parce que la lecture est bien un art, et pas une vertu.

 

Les écrits de London et Wharton, quasi contemporains, sont d’autant plus intéressants qu’ils se complètent et se répondent.

 

Amicis.jpgLe texte de l’Italien Edmondo de Amicis, « La Tentation de la bicyclette », s’il exploite une veine plus humoristique que les deux autres, n’est pas aussi éloigné de la littérature qu’il le laisse présager. Chronique d’un vieil homme au physique ingrat qui refuse de céder à la tentation de cette nouveauté adoptée par tous, ce récit prend des allures de combat épuisant du piéton face à toutes les sollicitations, prières, menaces, les quolibets et les injonctions dont il fait l’objet.

 

Nez en vent, Edmondo de Amicis entraîne le lecteur sur les voies de la littérature et de l’écriture. A l’image de cette « petite collection » qui, forte d’ouvrages oubliés ou méconnus mais « dignes de vivre ou de revivre », ouvre la porte étroite de belles et durables découvertes.

 

Jack London, Quiconque nourrit un homme est son maître ; Edith Wharton, Le Vice de la lecture ; Edmondo de Amicis, La Tentation de la bicyclette, éditions du Sonneur, La petite collection. Chaque volume : environ 40p. , 5€.

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