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29 novembre 2011 2 29 /11 /novembre /2011 21:22

Dans le décor somptueux de l’Alaska, David Vann campe une histoire implacable.

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut.

 

VanncDiana-Matar.JPG

©Diana Matar

 

Elle ne la voyait pas comme ça sa vie, Irène. Que reste-t-il de 30 ans de mariage avec Garry, un homme sans envergure qui l’a emmenée de Californie en Alaska? Mark et Rhoda, deux enfants devenus grands, des rancoeurs tenaces et pour finir, la certitude que Garry ne l’a jamais aimée et qu’il s’apprête à la quitter.

 

A bout, le crâne vrillé par une douleur persistante, Irène sent sa vie s’effilocher. En un dernier sursaut jusqu’au boutiste, elle accepte d’épauler Garry dans sa nouvelle lubie, la construction d’une cabane en rondins sur un îlot au milieu d’un lac grand comme une mer. Garry, qui n’a jamais rien construit, pas même sa vie, endosse sur le tard le rôle d’un Jérémiah Johnson au petit pied qui trouvera son accomplissement dans cet abri sommaire et isolé.

 

Un monde impitoyable

 

Irène n’imaginait pas sa retraite comme ça, gelée par un hiver précoce à bâtir une cabane de guingois dont même un ours ne voudrait pas. D’ailleurs sa fille, Rhoda impatiente d’épouser Jim, dentiste falot qui la trompe déjà, est rongée d’inquiétude face à l’entreprise absurde de ses parents. Au contraire de son frère Mark au caractère plus insouciant, elle se laisse gagner par le doute y compris quant à la pertinence de son propre mariage.

 

Après le magnifique « Sukkwan Island » (Prix Médicis 2010) David Vann explore un enfer conjugal dans des confins glacés impitoyables où la nature somptueuse pousse ceux qui s’y frottent dans leurs derniers retranchements. On raconte des histoires d’ours le soir pour impressionner les touristes, mais la réalité est plus rude que ces fables pittoresques.

 

A l’affut du naufrage, David Vann scrute aussi le poids des héritages. Irène, hantée par le suicide de sa mère et Garry projeté désespérément vers un avenir incertain, ne partagent plus la même chronologie. Enfermés sur leur îlot, ils sont confrontés à une impossible concordance des temps. Les pages sur la nature magnifient la tension qui gagne le récit. Si on frissonne à la lecture de « Désolations », ce n’est pas de froid. C’est de plaisir face à talent si éclatant.

 

 « Désolations » de David Vann. Traduit de l’américain par Laura Derajinski. Gallmeister. 297 pages. 23 €.

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