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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 16:19

Prix Fémina 2013 de l’essai, ce « Dictionnaire amoureux de Marcel Proust » (Plon-Grasset) de Jean-Paul et Raphaël Enthoven est un régal d'érudition et de malice. 

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut.

 

DAProust_1.jpg« Vous verrez, avait confié Lucien Daudet à Jean Cocteau, Marcel est génial, mais c’est un insecte atroce, vous le comprendrez un jour ….».

 

Amoureux, mais pas aveugle, tel est le dictionnaire construit sous le double regard de Jean-Paul et Raphaël Enthoven. 

 

En ce centenaire de Swann, père et fils abordent l’auteur de l’Everest des lettres françaises en délaissant les évidences au profit des curiosités.

 

Ouvert sur A comme Agonie et refermé en la compagnie inattendue de Zidane devenu de Guermantes par la force d’un coup de tête ajusté, Marcel Proust se révèle au lecteur par les chemins buissonniers.

 

Aux alentours de la chambre 414 du Grand Hôtel de Cabourg (« On ne comprend pas mieux La Recherche en se rendant dans cette Mecque qu’on ne rejoint l’horizon en marchant droit devant soi »), les auteurs débusquent un autre Marcel, Plantevignes celui-là.

 

Madeleine... Jacques


A Paris, les personnages de La Recherche se mêlent au cercle des proches. Parmi ces derniers, Cocteau, « le voltigeur », ou Paul Morand, qui a les honneurs d’un chapitre cruel à souhait. «Morand présente son nouvel ami à la princesse Soutzo - dont il a bien l’intention d’épouser la fortune. Mais ne soyons pas injustes. Il aima sa princesse si tant est que l’amour ait quelque signification entre deux cailloux ».

 

A Madeleine, inutile de chercher le gâteau. A la place, Madeleine Jacques, premier lecteur du tapuscrit envoyé chez Fasquelle. Horrifié par ces « phrases fuyant de partout », étourdi par cet "organisme autonome" qu’est La Recherche, il écarte le livre dont on sait que Proust le publia à compte d’auteur. Un refus éditorial qui renvoie vers Gide et l’un des chapitres les plus savoureux du dictionnaire : « Vertèbres du front ».

 

Proustien de compétition

 

Car l’un des moindres mérites de l’ouvrage tient à son érudition pétillante. Eloge rendu au gai savoir, Marcel Proust est observé avec une finesse légère et spirituelle. Des 5 000 francs du prix Goncourt dépensés le soir même au Ritz, au bordel de la rue de l’Arcade, de la Jalousie à la Politesse, sans oublier les mille manies de Proust dont la liste des rituels sanctifie Céleste Albaret, les auteurs explorent les multiples facettes de leur sujet à l’appui de nombreuses citations de La Recherche.

 

Quitte parfois à doubler l'entrée d'un "Bis" lorsqu'ils ne partagent pas les mêmes vues, à l'exemple du chapitre délicieux consacré aux Asperges.

 

Proust, « l’éternel agonisant », habite ces pages comme le 102, bd Haussmann ou le 44, rue Hamelin. On ne saurait trouver meilleure invitation à poursuivre la conversation dans l’œuvre.


Et espérer ensuite atteindre le grade de "Proustien de compétition" capable de totaliser 40 points au Questionnaire concocté par deux auteurs bien malicieux.


« Dictionnaire amoureux de Marcel Proust » par Jean-Paul et Raphaël Enthoven. Plon/Grasset. 729 pages. 24,50 €. 

 

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