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16 février 2014 7 16 /02 /février /2014 17:45

Il aime les aphorismes étincelants et les équilibres périlleux chers aux adeptes de l’escalade. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir le sens de la chute, l’arme décisive des nouvellistes. Sylvain Tesson publie chez Gallimard un recueil intitulé « S’abandonner à vivre ».

 

Une chronique de Frédérique Bréhaut.

 

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Photo : C. Hélie Gallimard

 

On avait quitté Sylvain Tesson dans sa cabane d’ermite des bords du lac Baïkal en Sibérie, on le retrouve vagabond au gré d’une vingtaine de nouvelles peuplées de personnages fatalistes, fils inattendus de Dostoïevski et de Marc-Aurèle.

 

Sur la trame de ses thèmes favoris, le désert, le désir, les escapades, la fatalité, les héroïsmes silencieux qui ne battent pas tambour, Sylvain Tesson cisèle des trajectoires souvent tragiques.

 

Pofigisme

 

De l’Afghanistan à la Bretagne, de Paris à la Chine ou à la Russie, ses héros s’abandonnent à vivre dans cet état ambivalent de désespérance rieuse marquée par l’absurde. Ce qu’il nomme le pofigisme. « Ce mot russe désigne une attitude face à l’absurdité du monde et à l’imprévisibilité des événements. Le pofigisme est une résignation joyeuse, désespérée face à ce qui advient ». 

 

Sourd à la pensée pascalienne prédisant le malheur à qui ne reste pas en repos dans sa chambre, Tesson sort au contraire ses personnages de leur lit. Quelle chance pour le lecteur ! Car ces hommes obstinés chahutent l’ordinaire à la rencontre de l’imprévu et du merveilleux.

 

Désespérance rieuse

 

Un Russe abat des poteaux électriques pour rallumer le désir à la douce lumière des bougies. Un Africain fuyant la misère de son pays désertique retrouve ce même paysage à Paris, vanté dans la promotion d’une agence de voyage. Un Anglais assume avec panache l’échec de l’expédition polaire de Scott. 

 

Sylvain Tesson excelle dans ces nouvelles d’une désespérance rieuse. Ses héros escaladent les pics et les façades avec un égal appétit de vivre. Ils sont de taille à poursuivre une rivalité amoureuse jusqu’au sacrifice ou à restituer la bataille de Borodino pour reconquérir leur femme. Des indociles qui croient aux fées et qui ne sont jamais si heureux que lorsqu’ils jouent aux funambules.

 

« S’abandonner à vivre » de Sylvain Tesson. Gallimard. 221 pages. 17,90 €. Photo C. Hélie Gallimard.

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